J'ai entendu ce matin sur une radio la ministre de la santé parler de la télémédecine et en faire l'éloge.
Alors,comment dire,je suis assez circonspect sur cette innovation qui peut amener énormément aux patients mais qui peut aussi être source d'erreur mais aussi de déviances.
Vous savez que je suis très pro informatique.J'ai été sans doute dans les premiers à avoir tous mes patients sur mon ordinateur ainsi que le lecteur de carte vitale.
Je me souviens des remarques des confrères opposés à ce formidable outil,les mêmes confrères qui,20 ans après,trouvaient cela extraordinaire.De même pour la carte vitale.
Il y a 30 ans que je prêche pour avoir une puce sur cette carte avec le dossier patient.On m'a opposé la confidentialité !!! je ne comprends pas puisque ces mêmes personnes utilisent leur carte bancaire avec un code sans être gênés.Le patient a sa carte,il donne son code,son Dossier Patient Informatisé (DPI) apparait,le médecin complète et la lui rend.
Où est le problème ? où est la différence avec la carte bancaire ? ah,la résistance du corps médical !!
Bon,venons en à la télémédecine:
Il est vrai qu'un médecin peut rassurer ou exercer de multiples conseils par téléphone ou par SMS,conseils qui rassurent,conseils qui accélèrent le processus d'urgence s'il y a lieu ,conseils qui désengorgeront les urgences des hôpitaux pour les cas bénins.
Les médecins vont être contre dans un premier temps en faisant valoir,quelques fois à juste titre,qu'ils prennent un risque,car consulter par téléphone peut aboutir à des erreurs.Il faudra "droitiser" c'est à dire que ce conseil soit noté dans le droit Français,avec les risques encourus.
Mais cette évolution est irréversible et il faut l'accompagner plutôt que de s'y opposer.En effet , les campagnes se désertifient à la vitesse grand V , car les jeunes,et ils ont peut être raison, ne veulent plus travailler trop,ils veulent profiter de leurs enfants,ils veulent du loisir,ils veulent de lycées et des facs près de chez eux,bref,ils ne veulent plus faire ce que nous avons pratiqué avec bonheur mais aussi avec l'accompagnement permanent de la fatigue et du stress.
Donc,irréversibilité de l'avancement du processus !!
Mais attention car la formation des médecins a changée.A notre époque (je parle comme un vieux) nous n'avions pas de scanner,pas d'écho,pas de doppler,pas d'IRM,pas de Petscan,peu d'examens de labos,etc etc et nous avions une extraordinaire formation clinique pour compenser cela,avec de grands patrons cliniciens mais aussi formidables enseignants.
La clinique c'est,premièrement l'écoute du patient et deuxièmement l'examen clinique.Nous avions à l'époque un examen de fin d'études qui n'existe plus depuis une trentaine d'années qui s'appelait "les cliniques ".On mettait l'étudiant dans une chambre avec un patient et il avait une demi-heure pour sortir avec le compte rendu de son examen clinique,les hypothèses de diagnostic,les examens demandés et les éventuelles thérapeutiques.Nous passions devant 3 grands patrons ,de médecine,puis de chirurgie et enfin de gynéco pédiatrie.Nous n'en menions pas large.Nous redoutions tous cet examen.
Mais nos maîtres étaient tous de redoutables cliniciens et nous formaient au lit du patient.
Tout ceci a disparu et les examens cités plus haut se multiplient ( scan,irm,etc).Je ne dis pas que le scanner ou l'IRM ne sert à rien,je dis qu'il est prescrit quelquefois en sachant parfaitement le résultat,pour rassurer le patient mais aussi le médecin.
Quel rapport avec la télémédecine me direz-vous ? et bien il va falloir refaire de la clinique avant tout,car,par téléphone,pas de scanner,pas d'examens complémentaires , que de l'écoute ; même pas d'examen clinique.
Tous les médecins prendront alors un risque non négligeable,mais , même avec la résistance,le déficit chronique des régions reculées imposera cette télémédecine.
Et puis,enfin,quelle tarification pour ces conseils ? les abus qui peuvent en découler existent.
Tous les "vieux " médecins penseront comme moi,les jeunes me mépriseront .Ces conseils téléphoniques,nous les avons pratiqués pendant toute notre activité et de façon gratuite,mais c'était un autre temps,un temps où nous ne vivions que pour nos patients et leur famille,un temps où la médecine n'était pas une marchandise technique.
Attention à la volée de bois vert,Alain!!
Bises et bonne journée.