Je hais ou plutôt j'ai longtemps haï le dimanche soir.
En effet j'ai fait toute ma scolarité dans le secondaire en tant que pensionnaire et je ne rentrais chez moi que tous les 15 jours.Quand on a dix ans et demi c'est dur. Tous les dimanches soirs je reprenais le bus vers 17h30 , je quittais mes parents , je laissais mes copains d'enfance et mon village chéri,et je repartais vers mon internat difficile et sévère.Pas le droit de parler au dortoir , en étude,dans les rangs , enfin bref , un autre âge.
Cela marque les esprits et je fus longtemps , même à l'âge adulte un handicapé du dimanche soir.
C'est avec une telle situation que l'on voit que l'on peut marquer un enfant pour presque toute sa vie.Je dis presque car il est vrai qu'aujourd'hui j'ai passé ce cap mais j'y repense quelquefois et un nuage s'assombrit dans mon imagination.
En réalité je n'ai jamais été angoissé par l'école mais par l'internat et ses brimades permanentes et partisanes.
Par la suite pendant mes études de Médecine,j'ai été Maître d'internat ou pion , comme on le veut, et j'ai toujours essayé de dédramatiser le dortoir du dimanche soir en discutant avec les élèves et en leur faisant raconter leur week end avec le sourire en n'essayant de ne garder que les bons moments.Quand je voyais que l'ambiance était détendue , je mettais tout ce petit monde au lit, en espérant que la lumière close ne serait pas une source d'anxiété pour mes petits.
Voilà , aujourd'hui je suis libre le dimanche soir et j'en suis heureux.
L'enfance est le trou noir où l'on a été précipité par ses parents et d'où l'on doit sortir sans aucune aide.
Thomas Bernhard