Etant en Provence depuis pas mal d'années,j'ai malgré tout un oeil sur Beaurieux,mon village de naissance situé près du "chemin des Dames" bien connu des initiés de la guerre 14/18 mais aussi ,bien entendu sur Lesdins,le village où j'ai exercé la médecine de campagne pendant si longtemps.
Je surveille aussi les villages voisins pour me tenir informé du devenir de TOUS mes anciens patients.
C'est en ouvrant le "Courrier Picard.fr " que la nouvelle m'a littéralement sautée aux yeux:j'ai reconnu les lieux et j'ai compris le drame.Je vous explique : j'avais une famille ,composée de la maman et de 2 filles,qui vivaient dans une vieille ferme délabrée avec 2 vaches.Elles vivaient toutes les 3 dans une seule pièce où il y avait absolument tout et n'importe quoi:des lapins,des oiseaux,une poule ,beaucoup de chats etc..le tout dans un bordel indescriptible; tout cela ne sentait pas bon et j'étais obligé de mettre un peu de parfum sur ma main pour pouvoir faire ma visite à domicile sans vomir et ceci n'est pas péjoratif mais descriptif de l'état de la famille à l'époque.(mais elles étaient toutes trois bien soignées et bien suivies malgré tout)
J'avais connu le père ,un "gueulard" qui terrorisait sa famille et qui est décédé sans regret familial.
Je suis parti,la situation s'est apparemment fortement dégradée et ,après le décès de la maman les deux soeurs vivaient depuis quelques mois dans une voiture,devant leur porte et au milieu des détritus et ce qui devait arrivait arriva,une des deux soeurs est décédée la nuit il y a quelques jours dans le kangoo.
Cela m'a horrifié.Car quand bien même elles ne voulaient pas d'aide je pense que l'on doit forcer les gens au bien être ou au moins au mieux être.Je me souviens d'une vieille dame qui vivaient dans la même commune sur un véritable tas d'ordures dans une pièce et nous avions, avec le Maire de l'époque ,amener un tracteur et une remorque pour tout nettoyer et évacuer;la dame a grogné mais s'est pliée.
Comment peut-on laisser les gens vivre et mourrir dans de telles conditions sans réagir.Qu'est devenu l'humain dans notre société du chacun pour soi ou plutôt du" chacun sa merde"? qu'est devenue l'entraide des campagnes où tout le monde se connaissait (je vous rappelle que c'est une vieille famille du village).
Nous sommes dans une société où on laisse les gens,même connus,vivre et mourrir dans leur voiture. Méditez cela.
Quand j'ai lu cela hier soir j'ai eu ensuite une nuit difficile:qu'aurai-je fait si ma présence avait été effective ? je pense que je n'aurai pas capitulé,ne serait ce qu'en prévenant les services sociaux et ameutant les décideurs du conseil général mais aussi du secours populaire.J'avais des patients très riches et des patients très pauvres mais l'affection que je leur portais était la même et le souvenir aussi.
Ce qui me traumatise c'est d'avoir bien connu ces gens,d'avoir eu leur confiance et de les avoir abandonné.
Je vais régulièrement soigné les gens dans les rues de Marseille avec le camion de Médecins du Monde,je sais ce que c'est de vivre dehors,quand il pleut,quand il fait froid.On trouve souvent une solution.Mon plus grand dépit c'est que beaucoup de personnes pensent que s'ils vivent dans la rue,c'est parce qu'ils l'ont bien voulu.
La dégringolade sociale peut arriver à tout le monde:on a un crédit,on perd son boulot,on divorce,on est expulé,on n'a pas de famille d'accueil.... on est dans la rue.Et ne comptez pas sur la chance qui va toujours rejoindre ceux qui n'en ont pas besoin."il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade " disait Coluche il y a 30 ans ; et bien cela n'a pas changé.
Je vous joins le lien du Courrier Picard,laconique,sans étonnement, comme si on avait la vie qu'on méritait.
Quelle société !!!!!!!
Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères.
La Bruyère
Chantal 10/12/2014 16:35