C'est le premier été sans Thierry depuis 49 ans.
Je t'ai cherché partout cet été,sur ton bateau, sur ta moto, sur les ascensions encordées où nous avons tutoyé les nuages et le ciel, sur le VTT, sur les sommets enneigés du Mont Pourri, sur ton Kite surf ou ton Paddle, sur tes skis,ton surf que tu m'as initié, sur le rafting et l'Isère, sur l'hydrospeed, dans le canyonning où nous avons été un peu inconscient (surtout moi), chez toi avec ton épouse et ta fille , en plein bricolage, dans ta clinique dont tu étais si fier de ta psy lente, autour de la table familiale où les discussions pour refaire le monde allaient bon train , surtout sur la médecine, dans l'Institut Influence où tu enseignais l'hypnose Éricksonnienne , non, je ne t'ai pas trouvé sinon dans mes rêves ou mes pensées nocturnes, mais pourtant, tu es toujours présent depuis ce 17 janvier maudit.
Tu es partout parmi nous, sur les photos qui inondent mon bureau et l'illuminent, allant de ta naissance à 2016, car après cette date où, sur le bateau, tu m'as annoncé le diagnostic, tu ne voulais plus de photos.
Tu voulais sans doute laisser une trace "présentable ", celle d'un véritable athlète d'un mètre 90 et 90 kg, en déconnant alors, j'aurais dit "comme ton père "!!!
Oui, tu es toujours parmi nous et il ne se passe pas une seule journée sans que ton prénom revienne ou sans que l'on pense à toi en se demandant:" qu'aurait-il dit ? qu'aurait-il fait ? "
Car même si depuis 2016 tu vivais, certes, différemment de nous,différemment de ce qu'on entend par vivre. Je le répète à souhait, au début, quand ton corps s'est affaibli, j'ai eu du mal à comprendre ta résistance et puis, par le travail, par la connaissance , j'ai compris que ta vie intérieure était une forme de vie qui te suffisait avec tes méditations et autres auto hypnoses.
Il y a plusieurs réactions chez les "Charcot" : soit on veut partir tout de suite, soit on veut partir dès qu'on se sent emmuré dans un corps inerte, soit on veut être trachéotomisé pour avoir une vie plus longue, soit on refuse cette trachéo et 3 à 4 ans est un maximum d'espérance de vie.
Pone,ce rappeur dont je donne les liens en fin d'article est dans la situation de Thierry il y a 2 ans.
Malgré son handicap, il compose , il est heureux et ça, ça m'a fait réfléchir.
Ta vie a été courte mais intense . Tu as concentré 90 ans en 45 ans. Quelqu'un qui te connaissait bien m'a dit que tu n'aimais pas le temps perdu qu'on ne retrouve jamais. Je comprends car nous avons en commun l'hyperactivité qui ne nous consume pas mais qui nous fait rebondir chaque jour,chaque heure et chaque minute.
Je t'avoue, mon cher Thierry que depuis le 17/01/2023, j'en ai pris un coup, un coup de vieux comme m'a dit une voisine, mais comme je l'ai dit toute ma vie à mes patients, l'adaptation est une forme d'intelligence , alors j'essaie d'être intelligent et donc de m'adapter à ma nouvelle situation familiale.
Oui, tu nous manques, mais tu es là et tu seras toujours là jusqu'à notre disparition, normale au demeurant, pas comme la tienne , due à cette saloperie de maladie qui touche 1500 personnes en France par an.Je pense à toutes ces familles qui, comme nous, ont cette douleur de l'absence et qui rament pour retrouver une vie normale ou presque, mais c'est très difficile dans cette épreuve , car on est seuls.
Ta maman et moi étions très fiers de ton parcours quand je sais que , personnellement,j'ai vécu dans 2 pièces jusque l'âge de 18 ans , avec mes parents et ma chère soeur.Pas de SDB, pas de WC (au fond du jardin ) et une chambre pour 4. On comprends aisément que je puisse être très fier et je le reste à tout jamais. (je n'ai pas résisté à remettre ton CV en capture d'écran)
Tous tes copains ou presque,les proches, étaient là pour me dire combien ils t'aimaient et certains, comme moi, pleuraient mais la faucheuse était passée, ne te laissant aucune chance.
Tu m'as dit,après le diagnostic, que la SLA (Charcot) était la seule maladie que tu redoutais. Cela m'a servi et je t'avoue que je ne redoute rien depuis en dehors de la souffrance physique qui ne devrait plus exister avec les médications actuelles et je vais passer toutes les années qui me restent en pensant à toi.
Tu as été une flèche que j'ai reçu en plein coeur mais la vie continue, le monde avance , même si ce n'est pas tout droit, nous aidons les tiens du mieux possible et cela nous rattache à toi de façon quotidienne.
Il restera de toi tout ce que tu as donné
Il restera de toi tout ce que tu m'as appris,
Il restera de toi ta grande volonté
Il restera de toi ton amour de la psychiatrie
Mais voilà, moi qui ne suis pas croyant et qui vit la mort comme un couperet,
Il restera de toi des souvenirs émus
Il restera de toi tout ce qu'on a vécu
PS: ci-joint une quinzaine de photos et le lien sur Pone (il suffit de laisser dérouler les photos et de cliquer sur les liens)